Les Errances de Darbroche

Publié le 14/10/2019 - Catégorie : Portraits

Au mois d’avril, j’ai fait la connaissance de Guillaume et de son « Atelier Darbroche ». Son univers m’a tout de suite parlé. C’est un artisan autodidacte qui travaille le bois et réalise de magnifiques œuvres d’art : soliflores, plateaux, coupes, bols… (et bien d’autres choses à venir). Chacune raconte une histoire, celle du bois que Guillaume ramasse dans la forêt ou récupère auprès d’une scierie, puis du travail du morceau sur son tour. De cette rencontre naît l’objet : « c’est un mouvement circulaire qui génère quelque chose de particulier. Au départ c’est une pièce uniforme mais dans ce flou, la forme est déjà présente. Il faut juste poser l’outil et décider de faire ».

Darbroche, c’est la conjonction du bois de ses forêts et de la montagne d’où il vient : l’arbre et la roche. Rien que ce nom est déjà poétique et imprégné de l’essence de son travail.

L’Atelier Darbroche est la création d’objets réalisés avec soin, mais aussi une histoire d’amour avec la forêt, une conscience éclairée quant à la problématique environnementale, une connexion bien particulière avec les éléments de la nature. Il dévoile tout cela sur les réseaux sociaux à travers de jolis textes qui racontent « ses errances » en forêt. Ses mots sont pure poésie.

Je vous laisse découvrir le portrait de ce vosgien hors du commun, qui a décidé il y a un peu plus d’un an, de tout recommencer dans sa vie professionnelle afin de se recentrer sur sa passion, son histoire, ses racines : « le besoin de retrouver du sens, d’être aligné, car ce qu’on fait c’est qui on est ». J’ai choisi de vous dérouler l’histoire de Guillaume sous forme « d’errances » qui sont comme des chapitres de vie. Chacune a un sens car tout est un chemin, tout est digression puis retour au centre.

Errance °1 : tout est né dans les Vosges

La famille de Guillaume est originaire des Hautes-Vosges et de Haute-Saône. Ses grands-parents et ses parents l’ont initié très jeune à l’effort de la marche : arpenter la roche, se frayer un chemin, apprendre l’art de la cueillette, respecter la nature et protéger son environnement. La nature, c’est ce qui l’a construit.

Dans la ferme familiale vosgienne, il a passé beaucoup de ses vacances en liberté dans la nature et à bricoler dans le vieil atelier poussiéreux. Il a toujours été entouré d’outils pour tailler, sculpter, sublimer la matière. Ses aïeux déjà, travaillaient le bois.

Errance °2 : photographie et créativité

Littéraire dans l’âme et créatif avant tout, ses études l’ont mené vers un DEA d’Arts en photographie et micro-édition. Pour son mémoire de fin d’études, il a passé deux années entières dans la forêt. Il y intervenait en utilisant des éléments qu’il trouvait sur place, avec pour seuls outils ses mains et son appareil photo. Il créait des objets puis les laissait dans leur environnement naturel afin d’observer de quelle manière la nature reprenait ses droits. Trois livres auto-édités sont nés de ce travail, abordant les problématiques liées à la trace laissée par le geste de l’homme, au respect de la nature, avec la page du livre comme lieu d’exposition. C’est ainsi qu’il a commencé ses actes en errance, « au ressenti, à l’instinct et au travers de la marche ».

Pendant dix ans, il travaille à son compte dans l’image en réalisant des prestations de services en photographie et infographie pour des agences d’architecture.

Errance °3 : tentation cuisinier

Puis en 2014, une rencontre décisive avec un chef à la retraite l’amène à se reconvertir. Guillaume, déjà très sensible à la cuisine et à tous les aspects de la gastronomie, se forme auprès cet homme qui deviendra un ami phare. Il passe son CAP de cuisinier et gravit doucement les échelons, mais après quelque temps d’exercice, il n’arrive pas à se retrouver dans ce métier qui le contraint à rester enfermé dans une pratique qu’il estime répétitive et linéaire. Malgré tout son investissement, il étouffe et éprouve « le besoin de sortir, d’être dehors, de fabriquer ».

Errance °4 : retrouver sa liberté

Guillaume ressent l’envie viscérale de revenir à avant, de repartir vers ce qui constitue les racines de son histoire et de ses montagnes et de recommencer à toucher à la nature. La liberté est son fondement, « c’est comme une chose géographique » qui est ancrée en lui, et où « il n’y a pas de clôture possible ».

En 2018, à l’âge de quarante ans, avec l’aide de sa moitié sans qui rien n’aurait jamais été possible, il quitte ses cuisines et fait le point. Il s’octroie un temps de maturation nécessaire, analyse, cherche à faire le lien avec une activité dans laquelle tout se cristalliserait.

Et finalement, « tout s’est regroupé dans une sorte de clairvoyance », comme une évidence qui s’est imposée à lui : la forêt, le bois, la photographie, la poésie. Revenir à la source et être avec elle en permanence. Il sait que c’est le début d’un long chemin, mais pour lui, « la liberté de faire est dans l’acte de faire ».

Errance °5 : tout rassembler et renaître

Il y a tout juste un an, il se remet à son compte et décide de travailler en solo malgré les inquiétudes et les angoisses. Mais il sait que c’est là qu’il doit être. Il ressent le besoin de fabriquer de nouveau des choses avec ses mains. Il s’équipe, s’exerce, dessine et écrit beaucoup, accomplit une formation à la Chambre des Métiers et de l’Artisanat avant d’enfin se lancer.

Il aménage la cabane de son jardin pour réaliser le gros du travail avec le bois : découper, tourner, poncer, donner vie. Pour finaliser ses objets et travailler sur ses projets, graver, écrire et dessiner, il dispose aussi d’une pièce-atelier en rez-de-jardin dans sa maison. C’est ce qu’il appelle « son cocon de réflexion ».

Pour chacune de ses créations, il agit beaucoup en fonction du bois. Il « travaille dessus tandis que la forme est dedans ». Il a souvent peur de mal faire, quand le bois est encore sous écorce, car il faut réussir « à honorer la matière précieuse » et sur le tour à bois, il y a toujours des surprises. Mais il ressent aussi une forme d’excitation, comme un dialogue qui s’installe entre la nature et lui. Plus le temps passe et plus il arrive à préméditer certaines choses à travers le bois brut. Mais la prise de conscience de certaines pièces se fait parfois au moment de la photo finale, quand il met en scène l’objet.

Errance °6 : fourmillement créatif

L’Atelier Darbroche en est donc encore au tout début du chemin. Guillaume met toute son énergie pour que son activité se pérennise et lui apporte un équilibre global dans sa vie. L’année 2020 qui arrive est donc un moment décisif pour l’avenir son entreprise.

Plusieurs projets et collections à venir prochainement se dessinent dans sa tête. Le premier est de travailler sur une série qui sera replacée dans la forêt pour un temps de retour à l’origine, afin qu’ils puissent échanger avec l’énergie du lieu dont ils proviennent. Ce sera « un moment de cristallisation pour que les choses s’articulent, où rien n’est laissé de côté ni au hasard. Tout a un sens, une direction, une seule visée : la nature ».

Il prépare également, en aparté dans son petit atelier, un livre s’inscrivant dans la continuité de ses formations entrecroisées, qui traitera de photographie immersive, d’objets en bois tourné, et d’écrits en errance. Son souhait est de revenir à des choses simples, conscientes, sensibles, responsables, et d’éveiller à un autre mode « d’être ». Guillaume conçoit ce livre comme un lieu physique dans lequel tout peut s’articuler.

Errance °7 : urgence environnementale

Un des autres axes de travail primordial est celui de rendre son activité la plus verte possible afin d’avoir un impact réduit sur l’environnement. Il a à cœur de protéger la Terre et cherche à utiliser une énergie propre pour son atelier. Il souhaite mettre en place des solutions durables et éco-responsables, à toutes les étapes du cycle de création et il mesure l’importance de chaque geste. Son bois est issu de la récupération et du rebut, il recycle les copeaux issus du tournage en les donnant au centre équestre voisin, n’utilise aucun produit nocif mais privilégie les huiles bio et la cire naturelle, ses emballages sont au maximum recyclés/recyclables. Guillaume se montre soucieux de l’avenir de la planète car il a beaucoup d’enfants : les siens mais aussi chaque arbre de la forêt, les rochers, la mousse, les végétaux, les rivières, le vent…

Oui, Guillaume est un solitaire hypersensible avec un cœur qui déborde pour la nature et l’humanité.

Ses créations vibrent à son image. Elles subliment le bois, ses veines, ses imperfections. Dès que l’on pose un de ses objets chez soi, la pièce n’est plus jamais la même.

Alors souhaitons-lui une belle réussite pour chacun de ses pas qui lui restent à faire. Je vous encourage à découvrir son profil Instagram, à explorer son site web et à vous abonner à sa newsletter. Ses errances qu’il traduit en mots me font penser aux poèmes de Rimbaud. J’espère que son travail vous touchera, vous aussi, en plein cœur.

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